De récentes jurisprudences appellent à repenser la structuration des management packages, au sein desquels peuvent être intégrés des dispositifs dits "qualifiés" d’épargne salariale (FCPE notamment) et d’actionnariat salarié.

 

Décideurs RH. Que recouvre la notion de management package et dans quelles situations ces dispositifs sont-ils mis en place ?

Alexandre de Louvigny. Les management packages sont des outils d’association de certains dirigeants et salariés "clés" à la marche de l’entreprise. Ils sont le plus souvent mis en place au moment d’une opération sur le capital de l’entreprise afin de permettre aux intéressés d’appréhender une partie des gains en résultant.
Outre cet objectif d’association des intérêts des investisseurs et des dirigeants, ils ont pour effet de permettre à ces derniers de bénéficier de l’application du traitement social et fiscal des valeurs mobilières (flat tax de 30 %), plus favorable que celui applicable aux rémunérations traditionnelles.
Ces mécanismes se matérialisent par la souscription et la cession, à des conditions préférentielles, de titres de la société dans laquelle est exercée l’activité professionnelle. Les bénéficiaires prennent, généralement, différents engagements permettant à l’investisseur financier de conserver une forme de contrôle sur les titres (pactes d’actionnaires, promesses croisées de vente et d’achat, clauses de non-concurrence, etc.).

Leur traitement fiscal et social est-il fiabilisé ?

Les management packages se trouvent à la frontière entre investissement et rémunération, leur nom en témoigne. Il en résulte donc des débats avec l’administration fiscale, et plus rarement les Urssaf, sur le traitement social et fiscal devant leur être appliqué.

Une série de jurisprudences récentes ont introduit des incertitudes à ce sujet. Récemment, le Conseil d’État a requalifié les gains résultant de certains management packages en traitements et salaires. Plus précisément, le juge administratif retient que :

  • le fait d’être salarié ou dirigeant n’exclut pas, dans l’absolu, la qualification d’investisseur,
  • mais qu’il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain, celui-ci doit être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d’investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires (notamment, trois arrêts du 13 juillet 2021 et un arrêt du 28 janvier 2022).

Ces jurisprudences sont sources d’insécurité, dans la mesure où, pour retenir l’une ou l’autre qualification, le Conseil d’État applique un faisceau d’indices impliquant de prendre en compte l’ensemble des éléments de l’opération (application de clauses de good ou de bad leaver, inaliénabilité temporaire des titres, cession à l’occasion de la cessation des fonctions, etc.).

La solution est à rapprocher de l’arrêt Barrière rendu le 4 avril 2019 par la Cour de cassation, qui retient un principe analogue en matière de cotisations de sécurité sociale. Ainsi, outre le risque de requalification pour les bénéficiaires, il existe un risque de redressement Urssaf pour les entreprises.

"Ce nouvel environnement jurisprudentiel invite à repenser la structuration des managements packages et à étudier d’autres solutions"

Ces jurisprudences mettent-elles en cause la pertinence de ces systèmes ?

Pas forcément, mais ce nouvel environnement jurisprudentiel invite à repenser la structuration des managements packages et à étudier d’autres solutions, comme le font déjà les acteurs du marché. L’administration préconise d’ailleurs d’associer dirigeants et salariés aux intérêts des actionnaires par le biais des dispositifs dits "qualifiés". Il en existe trois principaux : les attributions gratuites d’actions, les stock-options, et les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).
Ceux-ci sont déjà mis en place mais démontrent leurs limites, ils ne s’appliquent en effet que dans certaines structures (pour les BSPCE), ou dans certains plafonds légaux qui cantonnent leur utilisation au second cercle de dirigeants (pour les actions gratuites, notamment).
Pris isolément, aucun d’entre eux ne permet de répondre aux besoins des différentes parties prenantes. Ils peuvent cependant être utilement complétés par la mise en place de dispositifs d’épargne salariale, qui permettent, notamment via le FCPE, aux salariés et dirigeants de devenir actionnaires de la société dans un cadre social et fiscal de faveur, lequel fait l’objet d’une sécurisation a priori par l’administration.

Une évolution du cadre légal est-elle à l’étude ?

Oui, deux amendements visant à sécuriser le régime fiscal de ces dispositifs ont été déposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, mais ont été rejetés.

Il est, toutefois, possible qu’ils fassent l’objet d’une nouvelle proposition d’ici la fin de l’année. Il serait logique que les management packages bénéficient, à l’instar des carried interest, dont ils sont proches, d’un régime juridique sécurisé.