Depuis 1989, près de Cognac, l’entreprise familiale Maison Ferrand propose des spiritueux d’exception conçus dans la plus pure tradition historique, sans jamais écarter les plus grandes innovations. Une aventure qui repose sur la passion et l’engagement absolu d’un homme: son fondateur et maître de chai, Alexandre Gabriel.
Maison Ferrand : "Un grand spiritueux doit être l’expression de son terroir"
C’est à Ars, au beau milieu des champs de genévriers que se pose le château de Bonbonnet, un magnifique édifice du XVIIIe siècle chargé d’histoire. Ici, en pleine campagne charentaise, tout près de Cognac, se créent des spiritueux d’exception, distribués dans quelque 90 pays.
Tout commence en 1989 quand le jeune Alexandre Gabriel éprouve un coup de foudre immédiat pour ce terroir unique qu’il découvre un peu par hasard. Alexandre grandit auprès de ses grands-parents dans une ferme de polyculture du sud de la Bourgogne, mais plus le temps passe plus il s’interroge sur son avenir. Travaillera-t-il sur l’exploitation familiale ? Ou dans l’univers des grands vins bourguignons qui l’entourent ?
Une seule certitude : suivant ce que lui ont toujours inculqué ses aînés, il laissera parler ses envies. Et il créera, quoiqu’il advienne, son affaire. Après un voyage aux États-Unis, il s’inscrit dans une école de commerce à Paris, c’est là que le destin l’amène jusqu’à Ars où il rencontre la famille Ferrand. Et en particulier une femme qui vivait dans le manoir de la famille Ferrand, construit par son arrière arrière-grand-père, aujourd’hui connu sous le nom du Manoir de Mademoiselle. Il nous raconte : "Elle était la douzième génération des Ferrand et veillait sur sa petite exploitation. Ici, on cultivait les vignes depuis 1630. On distillait un peu le Cognac aussi. Immédiatement, j’ai eu un immense coup de cœur. Je me souviens qu’en cette époque où seule la marque comptait j’avais dit : un grand cognac doit être l’expression de son terroir. Aujourd’hui cela fait peut-être "cliché", mais je le ressentais très profondément !" C’est ainsi qu’il y a tout juste trente-quatre ans, Alexandre Gabriel devient le patron de Maison Ferrand où il travaille d’arrache-pied à faire revivre un domaine jusqu’ici un peu endormi. Son intention ? "Préserver les anciennes méthodes de production qui captent la vraie expression du spiritueux, et s’engager à réinventer les classiques." On l’aura compris, dans le plus pur respect de leur terroir.
Un gin Craft salué dans le monde entier
Très naturellement, l’aventure commence par un cognac 100 % Grande Champagne, l’ADN même de la Maison autant que de la région. Mais le jeune entrepreneur, maître de chai par ailleurs, a une autre idée. Les réglementations strictes imposées par l’AOC sont telles que, chaque année, les alambics ne peuvent plus être utilisés à compter du 31 mars. "Pendant sept mois, ils dormaient en attendant l’année suivante. J’avais 25 ans, je ne me suis pas posé trop de questions : nous créerons un gin. Un vrai, comme au bon vieux temps, quand ils n’étaient pas faits d’arômes ! S’en sont suivies cinq longues années de négociations avec les douanes. C’est long, cinq ans, quand on en a 25… Bref, en 1996 nous avons réussi à lancer Citadelle Gin."
" Un jour, à la télévision, Ferran Adrià, le grand chef catalan a créé un gin tonic à partir d'une bouteille de Citadelle en précisant que c'était un acte gastronomique"
Un coup d’éclat en vérité pour le créateur de spiritueux, car le Citadelle s’impose d’emblée comme le tout premier gin Craft 100 % français au monde. Et si son démarrage commercial est lent, c’est un superbe destin qui l’attend. "Un jour, à la télévision, Ferran Adrià, le grand chef catalan à l’origine de la cuisine moléculaire, a créé un gin tonic à partir d’une bouteille de Citadelle en précisant que le gin tonic était un "acte gastronomique". Aussitôt, Citadelle a éveillé l’intérêt des Espagnols. Peu de temps après, un article du New York Times achève de convaincre les distributeurs américains jusque-là un peu frileux… "La France, elle, a mis un peu plus de temps, mais il faut dire que nous étions les précurseurs de ce gin gastronomique !"
La route du rhum
Vient ensuite le troisième chapitre de la grande aventure de la Maison Ferrand avec le rhum. "Après la Seconde Guerre mondiale les spiritueux se sont beaucoup industrialisés. Ils ont souvent perdu le lien avec leurs terroirs, et cela a été le cas du rhum. Un produit que, techniquement, je ne connaissais pas bien mais quand un ami distillateur à Haïti m’a invité à venir visiter son domaine, j’ai alors découvert des méthodes historiques incroyables, des alambics de tout type… Tout de suite, j’ai commencé à élever quelques fûts à Cognac. Cela s’est d’abord fait à toute petite échelle et sans marque. Jusqu’à ce que nous lancions Plantation en 1999. Nous avons commencé par des rhums de la Barbade, de Jamaïque et de Trinidad, donc avec des rhums historiques. Puis j’ai fait un assemblage Grande Réserve qui a beaucoup plu à la Suède, et les choses ont démarré ainsi. Depuis, Plantation fait référence, et nous en sommes très heureux."
La clé de ce succès ? Des méthodes historiques de production et la mise en œuvre du processus phare de la Maison : une technique de vieillissement, qui s’apparente à la méthode d’élevage utilisée aux XVIIIe et XIXe siècle, a été perfectionnée afin d’obtenir des rhums d’exception. Après plusieurs années de maturation dans des fûts de Bourbon sous les tropiques, les rhums Plantation voyagent (en bateau) jusqu’en Charente où ils poursuivent leur vieillissement dans des fûts de chêne français. « Un des derniers arts populaires »
Depuis, le succès de la Maison ne cesse de grandir. Et la communauté Ferrand vibre toujours autant de cette passion pour les traditions, les terroirs, mais aussi l’innovation. "Nous lançons tous les ans des collections de millésimes, des Single casks aussi car je tiens ainsi à travailler la grande histoire du rhum. J’ai créé un curaçao, un gin rouge, et nous proposons des liqueurs de fruits. Les spiritueux ont chacun leur personnalité, comme un chablis ou un sauternes peut avoir la sienne. Sauf que, pour les spiritueux, l’empreinte des femmes et des hommes qui les font y sont toujours très présentes. Je ne sais plus quel poète disait que le rôle de l’artiste était de "gourmander la nature", mais cela s’applique aussi parfaitement aux distillateurs de rhum ou de cognac. La nature et la culture se conjuguent pour offrir ce qui constitue, selon moi, l’un des derniers arts populaires."
Laurent Fialaix