Corédactrice de l’ouvrage Évaluer pour agir : les diagnostics statistiques au service des politiques d’égalité et responsable des partenariats pour l’Association française des managers de la diversité (AFMD), Marie Larsonneau partage son expertise sur les enjeux de l’utilisation des diagnostics statistiques pour lutter contre les discriminations et parvenir à une meilleure diversité dans les entreprises.

 
Décideurs RH. Quels sont vos constats face aux enjeux de diversité et inclusion ? Sont-ils pris au sérieux et comment cela se manifeste-t-il ?
Marie Larsonneau. On observe que des employeurs qui jusqu’ici ne se sentaient pas concernés débloquent des budgets, souvent pour répondre dans un premier temps aux obligations légales, comme pour l’inclusion des personnes handicapées. Ce qui bouge énormément, c’est la conscience de ne pas vouloir agir seul et de se fonder sur l’expérience des autres.

L’AFMD rassemble aujourd’hui 185 organisations adhérentes, ce qui ne représente qu’une petite partie des employeurs engagés en France et, bien sûr, il reste encore beaucoup d’employeur à mobiliser. Et pour ce faire, il y a trois incitants – outre les sanctions – qui embarquent les employeurs : les obligations légales, les collaborations et synergies inter-employeurs (type initiative #StOpE), et surtout la libération de la parole qui fait qu’aujourd’hui, nous devons démontrer aux équipes, qui revendiquent davantage de représentativité, une meilleure prise en compte de ces enjeux sociaux.

 
Comment est née l’idée d’écrire une publication sur les diagnostics statistiques ?

L’idée nous est venue entre 2018 et 2020. La mesure de la diversité et de l’inclusion faisait partie des sujets très plébiscités par les employeurs, les associations et le gouvernement. L’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes venait de paraître et à l’AFMD, nous menions un groupe de travail avec nos adhérents sur ces sujets. Nous avons donc repris contact avec l’ISM Corum, référence en matière de diagnostic statistique, pour nous associer à eux. L’objectif était de développer les diagnostics statistiques parmi nos adhérents, de mutualiser certaines tâches transverses pour proposer ces outils à des prix attractifs et de comparer les résultats. En 2023, avec l’annonce de la loi Ferracci pour généraliser les testings en entreprise, nous nous sommes dit qu’il était important de casser les idées reçues sur ces dispositifs et de mettre en lumière les outils moins connus.

"Les diagnostics réguliers sont un véritable levier pour inscrire une évolution dans le temps et deviennent des outils de pilotage RH" 
En quoi les diagnostics statistiques jouent-ils un rôle crucial dans la mise en place d’une politique égalitaire ?
Les diagnostics statistiques RH ont pour finalité de mesurer l’impact éventuel d’un ou plusieurs critères discriminatoires (origine, sexe, âge, résidence, handicap, orientation sexuelle…) sur l’issue des candidatures ou les évolutions de carrière des collaborateurs et collaboratrices.
Ce type d’évaluation est un moyen pour les employeurs d’établir un état des lieux, de construire leur politique diversité et inclusion, d’évaluer l’efficacité des actions mises en place, d’améliorer leurs pratiques en continu, de mobiliser différentes parties prenantes de l’organisation, de sensibiliser et former les RH, les managers, ainsi que les équipes.
 
Estimez-vous que la proposition de loi soutenue par le député Marc Ferracci, qui souhaite que l’État porte cet enjeu en menant des testing auprès des entreprises, soit une solution suffisante pour éliminer les inégalités de traitement en entreprise ?
L’AFMD soutient le développement de la pratique du testing, mais il nous semble que la proposition de loi a beaucoup de limites. Au-delà des aspects méthodologiques de la généralisation souhaitée, il manque des mécanismes incitatifs, par exemple pour encourager tout employeur dont les pratiques de recrutement permettent la réalisation d’un testing à le faire.
Dans les discours, il est répété que la proposition de loi n’a pas pour but de sanctionner les entreprises. Néanmoins, le flou autour de la procédure d’évaluation des plans d’action que devront mettre en place les entreprises et la défiance que la communication autour du sujet peut créer auprès du grand public sont clairement des points de vigilance pour nous.
 
 
Pourquoi le testing statistique est-il le diagnostic le plus adopté par les entreprises ?
Le testing ne nécessite aucune démarche auprès de la CNIL – du fait du caractère fictif des candidatures utilisées – tandis qu’une autorisation de la CNIL est nécessaire pour les analyses statistiques de fichiers RH, dont la mise en œuvre est également plus longue. Du fait du caractère fictif des candidatures utilisées, un testing peut porter sans contrainte juridique sur la plupart des critères de discrimination prohibés et permet de contrôler toutes les autres variables susceptibles d’agir sur la sélection. En revanche, un testing n’est envisageable que pour des métiers volumiques et dont les présélections sont décentralisées.
 
Quels avantages les entreprises peuvent-elles tirer de l’utilisation de diagnostics statistiques ? En quoi ces derniers contribuent-ils à promouvoir l’égalité ?
Il y a plusieurs avantages à utiliser les diagnostics statistiques pour les entreprises, à commencer par la construction d’une politique diversité et inclusion fondée sur l’évaluation de l’efficacité des actions mises en place.
Pour les entreprises novices, les diagnostics servent d’état des lieux pour évaluer leurs pratiques de recrutement et repérer d’éventuels risques discriminatoires. Les organisations peuvent aussi améliorer leurs pratiques en continu : pour les plus avancées dans les démarches d’inclusion, les diagnostics réguliers sont un véritable levier pour inscrire une évolution dans le temps et deviennent des outils de pilotage RH.
Les diagnostics statistiques sont aussi l’occasion de mobiliser les parties prenantes de l’organisation, renforcer le dialogue social et sensibiliser les équipes RH, les managers et les salariés des entreprises. En disposant de données objectives, les organisations sont en mesure de mettre en place des plans d’action concrets et des mesures de correction plus ciblées. Par exemple, à l’issue d’un diagnostic, certaines structures décident de revoir leurs processus de recrutement ou de gestion de carrière en redéfinissant les rôles des personnes impliquées à chaque étape. 
 
Pouvez-vous citer un exemple concret où l’application d’un diagnostic statistique a eu un impact sur la réduction des inégalités au sein d’une entreprise ? 
Le recours périodique aux diagnostics et la mise en place systématique d’actions correctrices permettent à certains employeurs de constater une réduction progressive des écarts discriminatoires.  Par exemple, un employeur avait sollicité l’analyse d’un fichier de gestion de carrière au regard du critère du sexe, avec une probabilité d’avoir une promotion inférieure à 15% (0,85) pour un profil féminin. Le constat a permis la mise en place de mesures de rattrapage pour favoriser la promotion des femmes à certains postes et corriger des écarts de salaires.
Dans d’autres cas, certaines organisations demandent qu’un même testing soit renouvelé à l’identique après quelques années. Pour l’une d’elles, il portait sur le critère de l’origine ethno-raciale. En 2010, les candidatures évoquant une origine extra-européenne étaient deux fois moins souvent conviées en entretien. Après la mise en place répétitive des diagnostics en 2015 et 2022, ces candidatures étaient retenues au même niveau que celles à consonance hexagonale.
 
Propos recueillis par Lisa Combe

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