Directrice des ressources humaines pendant une vingtaine d’années, membre de l’International Women’s Forum, Dominique Podesta a rejoint, en 2023, en tant que Partner l’équipe de LOUIS DUPONT, spécialiste du management de transition. Selon elle, le management de transition est une clé stratégique insuffisamment exploitée dans la politique talents des entreprises pour atteindre les objectifs établis par la loi Rixain.

 

Décideurs RH. Vous êtes très impliquée dans la promotion de l’égalité femmes-hommes dans les comex. Quels sont les obstacles actuels à cette égalité ?

Dominique Podesta. Pour atteindre les ambitions fixées par la loi Rixain, nous devons changer notre approche de la gestion des talents. Souvent les femmes, au sein des grandes entreprises, ne sont pas placées à des postes qui les préparent à devenir DG de business unit, directrices de la transformation, directrices industrielles, etc. Pour parvenir à la parité, nous devons créer un environnement propice à ces évolutions, en conformité avec les exigences de la loi Rixain.

Il s’agit de débattre, d’adopter un autre regard sur les trajectoires de carrière, accepter que l’on n’obtienne jamais de meilleurs résultats en conservant les mêmes politiques de promotion des femmes. Les bouleversements induits par l’IA, la technologie, la pandémie et le télétravail ont forcé le monde de l’entreprise à produire de nouvelles idées à travers une réflexion différente. La question de la parité exige cette audace.

Vous avez exercé la fonction de DRH pendant vingt ans avant de rejoindre LOUIS DUPONT. Quelles sont les attentes des directions des ressources humaines vis-à-vis des femmes ?

Je pense que si les femmes à haut potentiel savaient l’estime que leur porte leur direction, elles oseraient bien davantage. Les hauts potentiels, hommes ou femmes, avec leurs diplômes et leur agilité intellectuelle, ont en leurs mains le pouvoir total de rebondir vers des horizons à la hauteur de leurs qualités. Tous ces éléments rationnels devraient conduire les femmes à oser parler à leur direction, affirmer leur intérêt pour un poste de dirigeante, et susciter ainsi une réflexion commune sur les chemins qui les mèneront à cet objectif. Je crois fondamentalement que les femmes talentueuses pouvant intégrer les comex sont déjà dans les entreprises qui, pourtant, cherchent à l’extérieur afin de pourvoir ces postes. J’en profite d’ailleurs pour féliciter Leroy Merlin d’avoir eu l’audace de nommer Agathe Monpays, 28 ans, directrice générale : une dimension managériale sous-jacente à ces nominations consiste à se lancer et à oser faire autrement.

"Les femmes talentueuses pouvant intégrer les comex sont déjà dans les entreprises qui, pourtant, cherchent à l’extérieur afin de pourvoir ces postes."

Quelle vision avez-vous concernant les politiques de gestion des hautes carrières des femmes ?

Les DRH ont une responsabilité sociale et sociétale absolue. Au-delà du respect des lois, leur responsabilité est de garantir l’agilité des individus et de les rendre acteurs de leur carrière. Pour une femme, cela sous-tend également une réflexion individuelle sur sa projection de carrière.

Dans cette responsabilité, il y a aussi le fait d’assumer une forme d’inconfort : y a-t-il des points de ma vie professionnelle auxquels j’accepte de renoncer ? Puis-je partir dans une autre région pour, demain, devenir directrice ? Suis-je d’accord pour quitter un codir et occuper une fonction plus transverse et passionnante, qui me permette de regagner, quelques années plus tard, un poste de direction avec une vision plus complète ? Toutes ces questions, qui relèvent d’une stratégie individuelle pour mener une carrière épanouissante – et, in fine, prestigieuse –, appellent une projection sur le long terme et une agilité qui requièrent un accompagnement particulier.

Comment le management de transition intervient-il pour accompagner une nomination à un haut poste ?

Les managers de transition sont à même de reconnecter les ambitions des femmes, les attentes de leur hiérarchie et les besoins de l’entreprise qui dispose d’un poste à pourvoir.

Ils offrent une perspective pour définir clairement les contours d’une mission et ouvrir une voie nette dans le cadre d’une promotion. Enfin, leur rôle de médiation et leur expertise opérationnelle en font des partenaires clés pour faire réussir les personnes promues.

En tant qu’ancienne DRH, j’ai observé des réticences récurrentes de la part des hiérarchies : "J’ai besoin d’elle à son poste actuel", "Ce n’est pas le moment", ou encore : "Elle n’est pas prête." Or la question ne réside pas dans le fait que les gens soient "prêts" (qui l’est ?), mais comment la confiance qu’on leur accorde les armes pour une ascension professionnelle qui leur sera profitable ainsi qu’à leur entreprise.

Le management de transition est aussi une solution innovante pour accélérer la réussite des objectifs de la loi Rixain : si la personne est temporairement indisponible, nous sommes en mesure, chez LOUIS DUPONT, de missionner un ou une manager de transition pour occuper cette place, puis accompagner la prise de poste le temps que ce sera nécessaire. Et cela sera d’autant plus intéressant pour une ETI ou une PME, qui n’a pas les moyens d’attendre et enclenchera des recrutements à l’extérieur au lieu de patienter pour promouvoir une personne ultra-compétente en interne.

Comment le management de transition s’insère-t-il dans la stratégie RH et dans la réalisation des objectifs de la loi Rixain ?

Il y a un vrai travail à mener sur la gestion des compétences, et chez LOUIS DUPONT, nous pouvons constituer une alternative concrète aux programmes de formation des talents, pour aider les femmes dans leur prise de poste. Le management de transition est un moyen pour régler un problème temporaire, passer un cap stratégique, régler une crise, accompagner une croissance ou apporter un renfort sur un projet ou un relais quand la compétence ne se trouve pas au sein des effectifs. Concrètement, si une entreprise considère que la promotion d’un de ses talents femmes représente un enjeu stratégique, non seulement pour les compétences qu’apporte cette future directrice mais aussi pour intégrer un codir paritaire conformément à la loi Rixain, elle doit penser une stratégie pour la prise de poste. Si l’entreprise pense qu’une femme de son équipe est haut potentiel mais n’est pas totalement prête, un ou une manager de transition en renfort ou en relais pourra l’aider à passer le cap de la promotion. À cet égard, le management de transition constitue un levier innovant pour promouvoir les femmes dans les programmes talents. Il est complémentaire, dans le cadre de la gestion d’un vivier de hauts potentiels, des programmes de mentorat, de MBA ou d’autres types de formation. C’est un accompagnement terrain par un ou une manager de transition qui connaît les enjeux du poste, qui peut être partenaire pendant une certaine durée de la nouvelle dirigeante, ou qui peut bloquer le poste le temps que la femme s’organise sur celui qu’elle occupe.

"L’objectif est donc tout à fait atteignable, du moment que les politiques RH sont véritablement volontaristes"

Quelle est l’urgence ?

Il faut accélérer la préparation. Il existe encore des groupes où il n’y a que des hommes au comex : il est nécessaire d’anticiper le turnover et, surtout, de positionner des femmes pour qu’elles intègrent ces comex et apportent les compétences et la parité qu’exige désormais le monde de l’entreprise. Une étude récente montrait que, pour que les entreprises du CAC 40 et SBF 120 atteignent la parité dans les instances dirigeantes, elles devaient embaucher une personne et demie, voire deux par comex. Cela revient à plus ou moins 200 femmes. À l’échelle de ces entreprises, pour trouver une ou deux personnes, il faut avoir un vivier d’une dizaine de talents, or les talents sont déjà gérés en sous-main. L’objectif est donc tout à fait atteignable, du moment que les politiques RH sont véritablement volontaristes : de quelle compétence ai-je besoin ? Si la personne possède la compétence, je la place ; si elle ne l’a pas, comment je l’accompagne pour qu’elle l’obtienne ? Le management de transition répond à la question du "comment" : avec une personne, un sparring partner, une expertise, et pas uniquement avec des programmes de formation.

Propos recueillis par Judith Aquien

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